Iliz Koz, la cité sous le sable
Photo : Bernard Galéron
A Plouguerneau, Iliz Koz, une cité médiévale a refait surface à la fin des années 60, après trois siècles d'enfouissement sous le sable. Aujourd'hui, ce site unique, témoin de l'art funéraire au Moyen-Âge nécessite des travaux pour ne pas retomber dans l'oubli.
Le sable ! Il s'infiltre partout, envahissant tout peu à peu. Chaque jour, il faut désensabler les maisons, le presbytère, l'église. Les tempêtes font rages et le vent du Nord-Ouest apporte son lot quotidien venu de la Grève Blanche à quelques 300 mètres de là. Ici, la vie n'est pas facile. La paroisse de Tremenac'h est petite, isolée. Les gens sont pauvres, mais ont aussi un caractère bien trempé, celui d'un peuple de Pagans accroché à son bout de terre. En 1721, le curé a quitté le presbytère. En 1729, les habitants abandonnent aussi l'église car le sable est plus fort qu'eux et a failli les emmurer vivants à l'intérieur. Désormais, ils iront à la chapelle de la Martyre plus à l'abri (Saint-Laurent) pour se réunir.
Cette histoire, c'est celle des 500 habitants de la paroisse de Tremenac'h (trève des moines) qui fut annexée à Plouguerneau en 1792.
Le temps s'est arrêté en 1729
Quand on visite Iliz Koz (vieille église en breton), située sur la commune Nord-Finistérienne, on imagine aisément leur détresse et leur désarroi face aux aléas climatiques. En 1969, des travaux de constructions d'une maison ont révélé la présence de ce village enfoui sous le sable.
Une soixantaine de tombes gravées et sculptées d'épées, de rosaces, d'une caravelle, de calices..., une chapelle, une église, un presbytère, des jardins, une rue pavée, des fresques représentant Saint-Michel avec son épée terrassant le dragon, sont alors mis à jour. On retrouve même les clefs de l'église que le curé a certainement laissé là de dépit.
Pour certains visiteurs le lieu évoque une petite Pompéi bretonne. Comme dans la ville italienne en son époque, le temps s'est figé au début du 18e siècle. Ici pas de volcan, ni de cendre, mais un ensablement qui a commencé trois siècles plus tôt. En effet, depuis le 15e siècle, le littoral léonard, du Conquet à Saint-Pol de Léon subit un refroidissement du climat qui entraîne une baisse sensible du niveau de la mer. Les vents dessèchent les grèves et constituent des dunes qui se mettent en mouvement. Au début des années 1700, le phénomène s'accélére obligeant la population à déserter les lieux.
« Le sable sera le linceul de la paroisse et son église »
Pourtant, pendant un peu plus de deux siècles, cet endroit n'a existé qu'au travers d'une légende qui raconte une toute autre histoire. Il était dit que quelque part dans le Pays Pagan existait un village de mécréants où l'on s'ennuyait ferme, surtout les jeunes. Pour tromper leur ennui, trois d'entre eux décidèrent de jouer un bon tour au curé aveugle de Tréménac'h en déguisant un chat noir en bébé pour le faire baptiser. Le bon curé n'y vit que du feu jusqu'au moment où, l'aspergeant d'eau bénite, le matou se mit à miauler. Fou de rage, il proféra la malédiction : “Anathème, que Tremenac’h soit anathème. Dieu punira le sacrilège et le sable sera le linceul de la paroisse et son église. La tempête sera terrible”. Au milieu de la nuit, le vent charria des charretées de sable fou qui ensevelirent le village. La légende raconte enfin, dans une fin quelque peu mystérieuse que celui qui se présente le jour anniversaire de la malédiction peut voir trois soleils s'il a le cœur pur et qu'il se lève tôt. De quoi s'agit-il ? Nul ne le sait, même si aujourd'hui les scientifiques savent que ces trois soleils étaient en réalité une « parhélie », phénomène d'optique atmosphérique lié à la réflexion de la lumière sur des cristaux de glace en suspension.
Des travaux de conservation indispensables
Si le site est découvert par hasard en 1969, il faut attendre 1987 pour que l'on prenne véritablement conscience de son importance et de l'intérêt de son désensablement. C'est la mise en place d'une ZPPAUP*, l'année précédente qui a accéléré le processus. Trois ans plus tard, en 1990, l'association Iliz Koz est créée pour animer et assurer l'entretien du site en partenariat avec la commune. Au fil des années, des travaux de conservation et de valorisation sont menés (restauration des fresques, consolidation des ruines...). Le Département en partenariat avec l'Agence de Développement du Pays des Abers apporte alors son expertise en matière d'ingéniérie culturelle pour valoriser le site. Mais aujourd'hui, la trentaine de bénévoles de l'association ne peut que constater la dégradation rapide du site en raison de l'érosion, des infiltrations d'eau et plus simplement de l'air libre. Les gravures et sculptures des pierres tombales, véritables objets de collections s'effacent peu à peu de façon irrémédiable. Une première tranche de travaux d'urgence a été entrepris en 2013, mais elle ne suffit pas. 125 000 euros sont encore nécessaires pour conserver l'intérêt archéologique et historique d'Iliz Koz. La commune a déjà obtenu l'assurance d'avoir 37500 € de subventions, notamment du Conseil Départemental. Elle doit encore trouver 87500 €. Avec l'aide de la Fondation du Patrimoine et de l'association Iliz Koz, elle a lancé une souscription auprès des particuliers et des entreprises pour l'aider à financer ce site d'exception et permettre ainsi la transmission de leur histoire aux générations futures.
*ZPPAUP : Zone de Protection du Patrimoine Architectural, Urbain et Paysager
Renseignements pratiques
Le site d'Iliz Koz est visible toute l'année :
Du 15 septembre au 15 juin, tous les dimanches de 14h30 à 17h
En été, du 15 juin au 15 septembre, tous les jours de 14h30 à 18h30
Toute l'année, les visites de groupes à partir de 10 personnes sont possibles sur réservation.
Entrée : 3 €, gratuit pour les enfants de moins de 10 ans
MK
Photo : Bernard Galéron
En savoir + : http://ilizkozplougerne.blogspot.fr
Article paru dans le Penn ar Bed n°140 de mars 2016 (Magazine du Conseil Départemental du Finistère)